Bail commercial

La mise en œuvre de la clause résolutoire de plein droit du bail commercial ne peut résulter que d’un acte extrajudiciaire. (Cass. Civ. 3, 21 décembre 2017, n°16-10.583)

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, visant la clause résolutoire, un bailleur met en demeure le locataire de payer dans le mois des arriérés de loyers et charges. Ce dernier conteste la mise en œuvre de la clause résolutoire de plein droit du bail.
La Cour d’appel de Nouméa fait droit à la demande du bailleur en constatant que la clause résolutoire stipulée aux termes du bail mentionne bien l’envoi d’une mise en demeure sous la forme recommandée avec avis de réception, et non celle d’un acte extrajudiciaire (acte d’huissier).
La Cour de cassation casse cette décision en précisant que la mise en œuvre d’une clause résolutoire de plein droit ne peut résulter que d’un acte extrajudiciaire, toute autre forme étant exclue.
Ainsi, le juge rappelle que le commandement de payer ou la sommation d’exécuter, qui impartit au locataire un délai d’un mois pour régulariser sa situation, doit revêtir un certain formalisme : celle d’un acte d’huissier, qui offre les garanties nécessaires afin que le locataire soit valablement informé de cette notification.

Bail commercial 

Le loyer du bail renouvelé portant sur un local monovalent (cinéma, garage, clinique…) doit  être fixé à la valeur locative selon les usages observés dans la branche d’activité considérée. (Cass. Civ. 3, 5 octobre 2017, n°16-18.059)

Un local monovalent est celui qui est loué en vue d’une seule utilisation (article R.145-10 du Code de commerce), et qui, selon la jurisprudence, ne peut être affecté à un autre usage sans travaux importants et coûteux (cinéma, garage automobile, clinique, maison de retraite…).
Lors du renouvellement du bail, le locataire exploitant un camping conteste le montant du loyer demandé par le bailleur qui se prévaut de travaux d’amélioration exécutés par le locataire. Ce denier soutient que dans la mesure où il a lui-même financé ces travaux, ceux-ci ne peuvent être pris en compte pour fixer le nouveau loyer.
La Cour de cassation écarte tous ces arguments, « revient aux fondamentaux » et rappelle les règles applicables : un local monovalent est soumis aux seules dispositions de l’article R 145-10 du Code de commerce, qui prévoient que le loyer doit être fixé à la valeur locative selon les usages observés dans la branche d’activité considérée.
Il s’agit d’une confirmation de la jurisprudence constante : La fixation du loyer du bail renouvelé portant sur un local monovalent obéit à des règles particulières, échappe au plafonnement et le loyer est déterminé selon les usages observés dans la branche d’activité considérée.
Il est donc bien inutile pour les parties de s’étriper sur des travaux d’amélioration, ou sur une autre question pour faire échapper le loyer au plafonnement et discuter des critères de fixation de celui-ci.

Bail commercial

Même s’il n’a pas été informé de la vente des lieux loués, et pour que son congé soit valable, le locataire doit le signifier à l’actuel bailleur, et non au propriétaire précédent. (CA Paris, 4 octobre 2017, n°15/20827)

Un locataire, n’ayant pas été informé de la vente des locaux qu’il occupe, délivre congé à l’ancien propriétaire, qui n’est donc plus son bailleur. Le nouveau propriétaire conteste la validité de ce congé au motif qu’il ne lui a été signifié. Le locataire prétend au contraire que son acte est valable dans la mesure où il n’a pas été informé du changement de propriétaire.
La Cour d’appel de Paris retient la nullité du congé, car en l’absence de disposition du statut des baux commerciaux relative au destinataire du congé, et de stipulation du bail, le locataire doit adresser son congé au bailleur actuel.
Même si la solution est sévère pour le locataire, la décision ne fait qu’appliquer les textes légaux, car aucune obligation d’information du  locataire n’est prévue par la Loi, et ici aucune stipulation du bail n’imposait au propriétaire d’informer le locataire de la vente des lieux loués. Le locataire est ainsi averti.
On rappellera à celui-ci qu’il est important, lors de la conclusion du bail, de négocier l’insertion d’une clause imposant au bailleur d’informer le locataire de toute vente. Précisons toutefois que depuis la loi Pinel du 18 juin 2014, et dans la plupart des cas, le locataire sera informé d’une probable mutation, puisqu’il bénéficie (sauf exceptions) d’un droit de préemption en cas de vente des lieux loués.

Bail d’habitation

Sauf s’il y a été préalablement autorisé par le juge, le locataire ne peut suspendre le paiement du loyer, même en cas de désordres affectant les lieux loués. (Cass. Civ. 3, 5 octobre 2017, n°16-19.614)

Dans le cadre d’un bail d’habitation, pour obtenir l’exécution de travaux l’empêchant de jouir paisiblement des lieux loués, un locataire suspend le paiement du loyer. En réaction, le bailleur fait délivrer un commandement de payer visant la clause résolutoire. Le locataire fait opposition et sollicite du juge la condamnation du bailleur à exécuter ces travaux et l’autorisation de consigner les loyers.
La Cour de cassation confirme la décision de la Cour d’appel de Paris qui a condamné le locataire à payer : même si le locataire se plaint de désordres affectant le logement, il ne peut se faire justice à lui-même en suspendant le paiement du loyer, s’il n’y a pas avoir obtenu au préalable l’autorisation.
Cette solution rappelle la jurisprudence constante en la matière : un locataire ne peut suspendre le paiement du loyer, même en cas de privation partielle de la jouissance du logement. Rappelons que la remise du loyer à un tiers (avocat, Carpa ou organisme quelconque) s’analyse aussi en une suspension du paiement du loyer. La seule exception permettant au locataire d’interrompre le paiement du loyer sans prendre de risque est le cas d’une impossibilité totale d’utiliser les lieux loués.
Notons que le principe rappelé aux termes de cette décision s’applique également en matière de bail commercial et de bail professionnel.

Copropriété

L’erreur sur l’identité du représentant légal de la société copropriétaire n’entache pas d’irrégularité la convocation à une assemblée générale des copropriétaires, dès lors que celle-ci a bien été adressée au siège social de la société. (Cass. Civ. 3, 23 novembre 2017, n°16-20.311)

La société KHAN HISCH (le nom a été changé), copropriétaire au sein d’un immeuble, assigne le syndicat des copropriétaires en annulation d’une assemblée générale des copropriétaires, au motif que la convocation à cette assemblée générale a été adressée à la « société KHAN HISCH, représentée par M. Gérard MANVUSSA… » (les noms ont été changés) à une adresse postale correspondant au siège de la société, alors que Monsieur Gérard MANVUSSA n’est pas le représentant légal de la société.
La Cour de cassation retient que la mention inexacte du nom du représentant de la société ne vicie pas la convocation, qui a été notifiée à la société à l’adresse postale de son siège social.
L’enseignement est intéressant, notamment pour les syndics : Pour être valable, il suffit que la convocation d’une personne morale soit adressée au siège social de la société, peu importe si elle est contient une erreur sur l’identité de son représentant.

Construction

Lorsque les désordres affectant les éléments d’équipement, dissociables ou non, rendent l’ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination, la garantie décennale s’applique. (Cass. Civ. 3, 14 septembre 2017, n°16-17.323)

Un incendie trouvant son origine dans un insert posé par la société HENRI GOLE (les noms ont été changés) assurée en responsabilité civile décennale, a endommagé l’immeuble appartenant à Monsieur Alain TRIEUR, également assuré, dans lequel Monsieur Jacques USE exploite un fonds de commerce de restauration. Ce dernier assigne en réparation de son préjudice la société HENRI GOLE et son assureur, lesquels ont été assignés par l’assureur du propriétaire de l’immeuble, en remboursement des indemnités versées à son assuré.
La Cour d’appel considère que les travaux d’installation de l’insert ne sont pas assimilables à la construction d’un ouvrage et que l’insert ne peut pas être qualifié d’élément d’équipement indissociable. La Cour juge donc que, s’agissant d’un élément d’équipement dissociable adjoint à un appareil existant, la responsabilité de la société HENRI GOLE n’est pas fondée sur l’article 1792 du Code civil (responsabilité décennale).
La Cour de cassation n’est pas du même avis : Lorsqu’ils rendent l’ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination (ce qui était le cas ici), les désordres affectant des éléments d’équipement, dissociables ou non, d’origine ou installés sur existant, relèvent de la responsabilité décennale.
Cette décision est intéressante, car elle permet de rappeler qu’il existe trois fondements possibles pour agir judiciairement, en cas de désordres affectant les éléments d’équipement dissociables :

  • la garantie décennale lorsque les dommages rendent l’ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination,
  • la garantie de bon fonctionnement, lorsque le dysfonctionnement de l’élément ne rend pas l’ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination,
  • le droit commun de la responsabilité civile, si une faute du constructeur peut être prouvée.

Vente immobilière

Le diagnostiqueur amiante doit réaliser de véritables sondages sur le bien et ne pas se contenter d’un simple contrôle visuel. (Cass. Civ. 3, 14 septembre 2017, n°16-21.942)

Depuis l’ordonnance du 8 juin 2005, le diagnostic amiante fait partie du dossier de diagnostic technique, obligatoirement annexé à la promesse et à l’acte de vente d’un bien immobilier (concernant l’amiante seulement si la construction dudit bien est antérieure à 1997). Depuis lors, la responsabilité du diagnostiqueur fait l’objet d’une jurisprudence abondante.
Dans cette affaire, un acquéreur se plaint de la présence d’amiante dans les cloisons et doublages des murs de la maison, alors que celle-ci n’a pas été mentionnée dans le diagnostic annexé à leur acte d’acquisition. Il saisit le juge pour voir la responsabilité du diagnostiqueur reconnue.
La Cour de cassation rappelle clairement et fermement que le diagnostiqueur ne peut pas limiter son intervention à un simple contrôle visuel, mais doit mettre en œuvre les moyens nécessaires à la bonne exécution de sa mission, qui comprennent notamment la réalisation de sondages sonores non destructifs.
Aux termes de cette décision, la Cour confirme sa jurisprudence initiée en 2014 : le diagnostiqueur est tenu de réaliser des sondages, alors même que la réglementation ne lui impose pas de le faire.
Il est clair que cette solution est favorable à l’acquéreur qui pourra bien plus facilement mettre en œuvre la responsabilité du professionnel.