Bail commercial
Dans une clause d’indexation, seule la stipulation qui crée la distorsion prohibée est réputée non écrite (Cass. Civ. 3, 6 février 2020, n°18-24.599).
Se prévalant du caractère illicite de la clause d’indexation insérée au bail, la société locataire a saisi le juge, afin de voir déclarer cette clause réputée non écrite et condamner la société bailleresse à restituer des sommes versées au titre de l’indexation.
La Cour de cassation a censuré la décision des juges du fond sur ce point en précisant que seule la stipulation qui crée la distorsion prohibée est réputée non écrite.
Aux termes de cette décision, la Cour de cassation a repris la solution adoptée le 29 novembre 2018 (Cass. Civ. 3, 29 novembre 2018, n°17-23.058) : seule la stipulation qui crée la distorsion prohibée est réputée non écrite. Ainsi, cette solution permet de « sauver » la clause d’indexation pour n’annuler que la partie qui créé une distorsion lors de la première révision.

Bail commercial – Bail dérogatoire – Convention d’occupation précaire
Ne constitue pas une convention d’occupation précaire, mais un bail dérogatoire, le contrat autorisant le preneur à se maintenir les lieux pendant 23 mois (après résiliation amiable du bail) aux fins de vendre son fonds ou céder son bail. Le bailleur n’ayant pas manifesté, avant l’expiration de ce bail dérogatoire et au plus tard un mois après cette date, sa volonté de voir le preneur quitter les lieux, il s’opère un bail commercial (Cass. Civ. 3, 12 décembre 2019, n°18-23.784).

Au cours d’un bail commercial, les parties ont convenu amiablement de sa rupture anticipée et que le preneur se maintiendrait dans les lieux pour une durée maximum de 23 mois, dans l’attente de la vente de son fonds de commerce ou de la cession de son bail. Plusieurs mois après l’expiration de cette durée (sans qu’une vente du fonds ou une cession du bail n’intervienne), le preneur s’étant maintenu dans les lieux, le bailleur a assigné ce dernier en expulsion. Pour s’opposer à cette demande, le locataire se prévaut alors de l’existence d’un bail commercial de neuf ans.
La loi Pinel a (enfin) défini la convention d’occupation précaire, qui « se caractérise, quelle que soit sa durée, par le fait que l’occupation des lieux n’est autorisée qu’à raison de circonstances particulières indépendantes de la seule volonté des parties » (article L.145-5-1 du Code de commerce).
Reprenant cette définition, la Cour d’appel de Caen a fait droit à la demande d’expulsion du bailleur, considérant que l’accord intervenu entre les parties sur le maintien dans les lieux du preneur pendant 23 mois excluait l’application du statut des baux commerciaux, car la vente du fonds de commerce ou la cession du bail est un évènement incertain et extérieur à la volonté des parties, impliquant l’intervention d’un tiers se portant acquéreur. Selon la Cour, il existait donc un motif de précarité.
Mais, la Cour de cassation n’est pas du même avis, considérant que le projet de vente du fonds ou de cession du bail exclut l’existence d’une cause objective de précarité de l’occupation des lieux, faisant obstacle à la conclusion d’un bail commercial et justifiant le recours à une convention d‘occupation précaire.
La Cour a en effet estimé que c’est le locataire qui décide ou non, en définitive, de céder son fonds ou son bail : cette cession n’est donc pas indépendante de la volonté d’une des parties. Il n’y a donc pas de précarité.
Puisqu’il ne s’agit pas d’une convention d’occupation précaire, le contrat conclu constituait un bail dérogatoire (qui a été conclu pour 23 mois). Or, l’article L.145-5 du Code de commerce prévoit que si à l’expiration de la durée du bail dérogatoire, et au plus tard à l’issue d’un délai d’un mois à compter de l’échéance, le preneur reste et est laissé en possession, il s’opère un nouveau bail régi par le statut des baux commerciaux.
En l’espèce, le preneur s’est maintenu dans les lieux pendant plusieurs mois, sans que le bailleur ne manifeste son opposition et ne l’assigne aux fins d’expulsion. La Cour de cassation considère dans ces conditions qu’il s’est opéré un nouveau contrat régi par le statut des baux commerciaux.
Il ne sera jamais assez rappelé qu’afin d’éviter qu’un bail commercial s’opère à l’expiration d’un bail dérogatoire, le bailleur doit manifester clairement sa volonté de voir le preneur quitter les lieux, avant l’expiration du bail et en tout état de case avant l’expiration d’un délai d’un mois suivant cette expiration.

Bail commercial
Saisine par la Cour de cassation d’une question prioritaire de constitutionnalité concernant les modalités de renouvellement des baux commerciaux à la suite de la loi Pinel du 18 juin 2014 (Cass. civ. 3, 6 février 2020, n°19-86.945).
La Cour de Cassation a saisi le Conseil constitutionnel pour qu’il se prononce sur le dispositif de lissage créé par la loi Pinel du 18 juin 2014.
La loi Pinel a créé un mécanisme de lissage de l’augmentation du loyer déplafonné lors du renouvellement : l’article L. 145-34 du code de commerce prévoit que la variation de loyer ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l’année précédente.
Ce mécanisme de lissage s’applique en cas de renouvellement d’un bail conclu pour une durée de neuf ans ou plus, sauf s’il porte sur des locaux monovalents ou à usage exclusif de bureaux.
La question posée à la Cour est la suivante : les dispositions du dernier alinéa de l’article L. 145-34 du code de commerce (dans sa rédaction issue de la loi Pinel) méconnaissent-elles le droit de propriété, tel qu’il est protégé par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 ?
La Cour de cassation a jugé que cette question présente un caractère sérieux, en ce que ces dispositions «sont susceptibles de porter une atteinte disproportionnée au droit de propriété du bailleur ». En conséquence, la Cour de cassation a décidé de renvoyer au Conseil constitutionnel la question portant sur la constitutionnalité du texte au regard du droit de propriété.

Bail – Expulsion
Le délai de deux mois suivant le commandement avant l’expulsion (applicable aux locaux d’habitation) doit être respecté même si l’usage du local en tant que logement est interdit  (Cass. Civ. 3, 9 janvier 2020, n°18-23.975).
Selon les dispositions de l’article L.412-1 du Code des procédures civiles d’exécution, si l’expulsion porte sur un lieu habité par la personne expulsée ou par tout occupant de son chef, elle ne peut avoir lieu qu’à l’expiration d’un délai de deux mois qui suit le commandement de quitter les lieux. Ce texte s’applique donc aux locaux d’habitation.
La Cour de cassation va plus loin dans cette affaire.
Un bailleur poursuit l’expulsion de sa locataire, une société occupant des locaux professionnels. La décision d’expulsion obtenue, l’expulsion est mise en œuvre. La société locataire s’y oppose et saisit le juge de l’exécution, le gérant de la société habitant dans les locaux.
La Cour de cassation annule la procédure d’expulsion au motif que le délai de deux mois suivant le commandement de quitter les lieux, qui ne s’applique en principe que lorsqu’il s’agit de locaux d’habitation, n’a pas été respecté.
En effet, la Cour estime que, dès lors qu’il est établi que le gérant de la société locataire a son domicile dans les locaux et qu’il habite de manière effective dans les lieux, et même si cette habitation est par définition interdite (!), ce délai de deux mois devait être respecté.
Ainsi, le délai d’expulsion de locaux professionnels ou commerciaux est allongé par le seul fait que le dirigeant (ou le personnel) de l’entité locataire y habite ! Outre que cette solution permet à l’occupant de se prévaloir d’une infraction à la règlementation et au bail (habitation d’un local commercial ou professionnel), le juge apprécie l’application d’une disposition légale, non par rapport à la situation du locataire expulsé, mais d’occupant de son chef, ce qui est doublement choquant.

Vente immobilière – Agent immobilier
L’agent immobilier, qui ne s’est pas fait remettre les pièces nécessaires, dont le titre de  propriété du vendeur, permettant d’informer l’acquéreur sur la situation du bien commet une faute qui engage sa responsabilité. Il est ainsi condamné à indemniser l’acquéreur même en l’absence de mérule (Cass. Civ. 3, 14 novembre 2019 n°18-21.971).
Un candidat acquéreur, qui a signé une promesse synallagmatique, refuse  de signer l’acte de vente d’un bien immobilier, au motif qu’il n’a pas été informé préalablement de l’exécution de travaux liés à la présence de mérule. Alors même que le diagnostic du bien confirme l’absence de mérule lors de la vente, il agit  judiciairement à l’encontre de l’agent immobilier, intermédiaire dans l’opération.
Tout comme la Cour d’appel de Rennes, la Cour de cassation juge que l’agent immobilier a commis une faute, car il ne s’est pas fait communiquer le titre de propriété du vendeur, ce qui lui aurait permis d’informer l’acquéreur de l’existence de travaux précédents ayant traité la présence de mérule. L’agent immobilier est condamné à payer à ce dernier une indemnité en réparation de son préjudice.
Bien que cette solution ne soit pas exempte de critique (quel est le préjudice de l’acquéreur puisqu’il n’y a pas plus de mérule ?), elle attirera l’attention des intermédiaires de l’immobilier, dont le rôle n’est pas seulement de mettre en contact vendeur et acquéreur et de négocier la vente, mais aussi d’informer les parties, et plus particulièrement, l’acquéreur quant aux caractéristiques du bien et à sa situation matérielle et juridique.
Pour ce faire, l’agent immobilier doit « constituer son dossier » pour assurer cette information et ne pas se contenter de faire signer un mandat et de réunir les diagnostics…