Bail commercial

La responsabilité du bailleur peut être engagée en cas de dégradation de la commercialité des lieux et il doit dans ce cas indemniser son locataire (Cass. Civ. 3, 23 janvier 2020, n°18-19.051). 

Un locataire de locaux dépendant d’un centre commercial soumis au statut de la copropriété s’est plaint du mauvais état et de la baisse de commercialité dudit centre commercial, ainsi que de problèmes de chauffage dans ses locaux. Il a assigné son bailleur en indemnisation de son préjudice.
La Cour d’appel de Versailles a condamné le bailleur de la perte de clientèle et du manque à gagner occasionnés par le défaut de mise à disposition et d’entretien des lieux loués et par une dégradation de la commercialité du centre (boutiques vides ou fermées, baisse de fréquentation, animation inexistante, mécontentement généralisé des clients…).
La Cour de cassation confirme cette solution, au motif que le bailleur n’a pas employé des efforts suffisants pour mettre fin au dysfonctionnement du chauffage commun, aux infiltrations constatées dans le local et le parking commun, à la dégradation de la commercialité et au défaut de sécurité affectant le centre…
Cette décision rappelle l’obligation du bailleur de faire toutes les diligences possibles pour maintenir la commercialité du centre commercial dont dépendent les lieux loués, et ce même si le bailleur n’est pas seul propriétaire dudit centre commercial et que celui-ci est une copropriété. Dans un tel cas, sa responsabilité est également engagée, car il a manqué à ses obligations en ne procédant pas aux diligences nécessaires pour que le syndicat des copropriétaires remédie aux désordres et à la  dégradation du centre.

Bail commercial

Le congé avec refus de renouvellement pouvant être signifié par le seul usufruitier, l’indemnité d’éviction est à la charge de celui-ci (Cass. Civ. 3, 19 décembre 2019, n° 18-26.162).

Un locataire conteste le refus de renouvellement de bail avec refus d’indemnité d’éviction signifié par l’usufruitier et le nu-propriétaire, bailleurs.
La Cour d’appel déclare ledit refus de renouvellement sans motif grave et légitime et condamne alors les deux bailleurs, au paiement d’une indemnité d’éviction, considérant que tous deux sont redevables de cette indemnité, l’acte de refus de renouvellement excédant les pouvoirs du seul usufruitier.
La Cour de cassation censure cette décision. Elle rappelle qu’en cas de démembrement de propriété, l’usufruitier ne peut, en application de l’article 595 du Code civil, consentir un bail commercial ou le renouveler sans le concours du nu-propriétaire ou, à défaut d’accord de ce dernier, qu’avec une autorisation judiciaire.
La même Cour précise qu’en revanche, l’usufruitier a le pouvoir de mettre fin au bail commercial et donc de notifier au preneur, sans le concours du nu-propriétaire, un congé avec refus de renouvellement. Les juges affirment en conséquence qu’ayant seul la qualité de bailleur dont il assume toutes les obligations à l’égard du preneur, l’indemnité d’éviction, qui a pour objet de compenser le préjudice causé au preneur par le défaut de renouvellement du bail, est à sa charge.
Cette décision rappelle à l’usufruitier les conséquences, parfois financièrement lourdes, d’un refus de renouvellement, puisqu’alors même qu’il aurait signifié ledit refus avec le nu-propriétaire, il se retrouve seul débiteur de l’indemnité d’éviction. Cette situation est d’autant plus inconfortable que le même usufruitier ne pourra exercer le droit de repentir, lui permettant d’échapper au paiement de ladite indemnité, qu’avec le nu-propriétaire !

Bail d’habitation

Un logement de moins de 9 mètres carrés est décent si son volume habitable au moins égal à 20 mètres cubes (Cass. Civ. 3, 23 janvier 2020, n°19-11349).

A la suite d’un congé délivré par le bailleur, un locataire contre-attaque et sollicite auprès du juge la requalification du bail en bail soumis aux dispositions de la loi du 6 juillet 1989, l’indemnisation d’un trouble de jouissance, le remboursement de loyers, la remise de quittances de loyers et la justification des charges locatives.
De son côté, le bailleur se prévaut pour obtenir l’expulsion du locataire du fait que le logement ne répond pas aux normes d’un logement décent conformément aux dispositions du Décret n°2002-120 du 30 janvier 2002, qui prévoit « le logement dispose au moins d’une pièce principale ayant soit une surface habitable au moins égale à 9 mètres carrés et une hauteur sous plafond au moins égale à 2,20 mètres, soit un volume habitable au moins égal à 20 mètres cubes ».
La Cour d’appel de Paris retient que le logement n’est pas décent au sens de la réglementation (surface inférieure à 9 mètres carrés) et qu’il est impossible d’y remédier, et qu’en conséquence, par la force de la situation, le bailleur est fondé à obtenir le départ du locataire qui ne peut demeurer dans les lieux, à savoir un logement qui ne saurait faire l’objet d’un bail au sens réglementaire.
Or, la Cour de cassation relève que la Cour d’appel ne s’est pas prononcée sur le point de savoir si le logement disposait ou non d’un volume habitable au moins égal à 20 mètres cubes. Elle a donc cassé cette décision.
Ainsi, le seul fait que la surface de la pièce principale des lieux loués soit inférieure à 9 mètres carrés ne suffit pour rendre le logement non conforme aux caractéristiques de décence : son volume habitable doit être inférieur à 20 mètres cubes pour être non conforme.
Il est enfin utile de rappeler que, contrairement à ce que laisse entendre la Cour d’appel dans cette affaire, le bailleur ne peut se prévaloir de la nullité du bail ou de sa résiliation pour demander l’expulsion de son locataire, lorsque le logement loué est impropre à l’usage d’un logement décent (article 1719 du Code civil).

Vente immobilière – Bail

L’acte de vente des lieux loués ne peut interdire au preneur d’agir contre son ancien bailleur, même si une clause dudit acte transfère à l’acquéreur la charge des conséquences des manquements de son vendeur (Cass. Civ.3, 23 janvier 2020, n°18-19.589). 

Cette solution rappelle l’effet relatif des contrats, en l’occurrence du contrat de vente des lieux loués à l’égard du preneur : les clauses de l’acte de vente ne peuvent être opposées au locataire. Ainsi, même si l’acquéreur a pris à sa charge les conséquences des manquements de son vendeur, le locataire peut toujours agir contre son ancien bailleur à l’origine du préjudice subi.
La Cour de cassation considère qu’en cas de vente des locaux donnés à bail, le bailleur originaire n’est pas déchargé à l’égard du preneur des conséquences dommageables de l’inexécution de ses obligations par la clause contenue dans l’acte de vente selon laquelle l’acquéreur est subrogé dans les droits et obligations du vendeur-bailleur. L’ancien bailleur n’ayant pas délivré des locaux comportant un système de chauffage adapté, ni entrepris les diligences nécessaires auprès du syndicat des copropriétaires pour qu’il soit remédié au défaut d’entretien et de sécurité du centre commercial, la Cour estime que l’ancien bailleur n’avait pas rempli ses obligations de bailleur avant la vente et que sa responsabilité était engagée à l’égard du preneur.
Un locataire de locaux dépendant d’un centre commercial, qui ont été vendus par le bailleur à un nouveau propriétaire, se plaignait du mauvais état dudit centre commercial et du dysfonctionnement du chauffage dans ses locaux. Le locataire a assigné l’ancien bailleur en indemnisation de son préjudice. Le nouveau propriétaire est intervenu volontairement dans le cadre de la procédure.

Copropriété

Alors même que le lot concerné est à usage de commerce selon le règlement de copropriété, la clause dudit règlement interdisant l’apposition d’enseigne sur la façade est valable (Cass. Civ. 3, 26 mars 2020, n°18-22.441).

Se prévalant de l’usage commercial, prévu par le règlement de copropriété, des lots dont il est propriétaire, un bailleur a contesté la condamnation, à la demande du syndicat des copropriétaires, de son locataire à procéder à la dépose des panneaux publicitaires et enseignes apposés sur la façade.
La Cour de cassation a pourtant rejeté sa contestation en retenant que la clause figurant à l’article 9 g) du règlement de copropriété, selon laquelle « il ne pourra être placé sur la façade des immeubles aucune enseigne, réclame, lanterne ou écriteau quelconque », correspond à la destination de l’immeuble qui était situé dans le périmètre de protection des remparts de la commune d‘Avignon, et que cette clause ne peut être considérée comme illicite au motif qu’elle porterait atteinte aux droits des propriétaires des locaux commerciaux.
La solution doit attirer l’attention tant des bailleurs que des preneurs : l’usage commercial des lieux loués prévu par le règlement de copropriété ne permet pas d’imposer au syndicat l’installation d’une enseigne, si une clause dudit règlement de copropriété l’interdit et si cette clause est justifiée par la destination de l’immeuble.