Bail commercial – Convention d’occupation précaire
Un projet de vente du fonds de commerce ou de droit au bail du locataire ne constitue pas une cause objective de précarité de l’occupation, ce qui exclut la qualification de convention d’occupation précaire (Cass. Civ. 3, 12 décembre 2019, n°18-23784).
La loi Pinel du 18 juin 2014 a défini la convention d’occupation précaire en reprenant la définition dégagée précédemment par la jurisprudence : « La convention d’occupation précaire (…) se caractérise, quelle que soit sa durée, par le fait que l’occupation des lieux n’est autorisée qu’à raison de circonstances particulières indépendantes de la seule volonté des parties » (article L. 145-5-1 du Code de commerce). Elle précise également que cette convention n’est pas soumise au statut des baux commerciaux.
Après la résiliation amiable et anticipée d’un bail commercial, les parties ont convenu de conclure une convention d’occupation précaire pour une durée de 23 mois, « afin de favoriser la cession » par le preneur de son fonds de commerce ou de son droit au bail.
Le preneur se maintenant dans les lieux à l’expiration de cette durée de 23 mois et revendiquant le statut des baux commerciaux, le bailleur l’a assigné aux fins d’expulsion.
La Cour de cassation a retenu la qualification de bail commercial et rejeté celle de convention d’occupation précaire au motif que « le projet de cession portait sur le fonds de commerce du locataire ou son droit au bail, ce qui excluait l’existence d’une cause objective de précarité de l’occupation des lieux faisant obstacle à la conclusion ou à l’exécution d’un bail commercial et justifiant le recours à une convention d‘occupation précaire ».
Ainsi, un projet de vente du fonds de commerce ou de cession du droit au bail n’est pas une cause objective de précarité et ne peut donc constituer un motif pour justifier la qualification de convention d’occupation précaire.

Bail commercial
L’exercice du droit de repentir ne peut comporter la proposition d’un nouveau bail incluant une modification substantielle des modalités de fixation du loyer (Cass. Civ. 3, 12 septembre 2019, n°18-18218).
Conformément aux dispositions de l’article L.145-58 du Code de commerce, le bailleur peut, après avoir signifié un refus de renouvellement de bail, et « jusqu’à l’expiration d’un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle la décision est passée en force de chose jugée, se soustraire au paiement de l’indemnité, à charge par lui de supporter les frais de l’instance et de consentir au renouvellement du bail dont les conditions, en cas de désaccord, sont fixées conformément aux dispositions réglementaires prises à cet effet ».
L’exercice du droit de repentir entraîne ainsi le renouvellement du bail aux mêmes charges et conditions que le bail précédent, à l’exception du montant du loyer, qui sera arbitré par le Juge en cas de désaccord, aucune des parties ne pouvant imposer à l’autre une quelconque autre modification.
Dans cette affaire, le bailleur a notifié à sa locataire un refus de renouvellement comportant une offre de paiement d’une indemnité d’éviction. L’expert judiciaire désigné a évalué l’indemnité d’éviction à 773.000 euros. Le bailleur estimant peut-être que le refus de renouvellement allait lui coûter plus cher que prévu, a exercé son droit de repentir, mais en prenant le risque de proposer une modification du bail initial. Alors que celui-ci stipulait une clause-recette (déterminant le loyer en fonction du chiffre d’affaires du preneur), le bailleur proposait de substituer à cette stipulation une clause de loyer fixe dans le bail renouvelé.
Sans surprise, la Cour de cassation a estimé que l’exercice du droit de repentir ne peut comporter la proposition d’un nouveau bail incluant une modification substantielle des modalités de fixation du loyer. L’acte signifié ne constitue donc pas un repentir emportant renouvellement du bail.
La Cour confirme la jurisprudence en la matière : l’exercice du droit de repentir doit être non équivoque et ne saurait être conditionnel, à savoir soumis à une condition de modification des conditions du bail renouvelé, pas plus qu’il ne saurait comporter une proposition de conclure un nouveau bail à des conditions différentes que le bail précédent (Cass. Civ. 3, 22 novembre 2011).

Bail
Le preneur qui quitte les lieux sans donner sa nouvelle adresse au bailleur ne peut se prévaloir du caractère non contradictoire de l’état des lieux (CA Paris, 8 novembre 2019, n°17/12247).

Après avoir donné congé, un locataire quitte les lieux avant le terme du préavis, sans en informer le bailleur et sans lui communiquer sa nouvelle adresse.
Dans ces conditions, le bailleur n’a pas pu convoquer ledit locataire à sa nouvelle adresse, rendant impossible l’établissement contradictoire d’un état des lieux de sortie. Pourtant, des réparations locatives à la charge du locataire sortant étant dues, le bailleur saisit le tribunal pour obtenir sa condamnation au coût des travaux de remise en état. Le locataire conteste alors la validité de l’état des lieux dressé, invoquant son absence de toute valeur probante.
La Cour d’appel de Paris juge que, n’ayant pas communiqué au bailleur sa nouvelle adresse, le preneur ne peut se prévaloir du caractère non contradictoire de l’état des lieux qui a été dressé en son absence. Cet état des lieux peut donc lui être opposé et servir de base à la demande de remise en état du bailleur.
La mauvaise foi du preneur est ainsi sanctionnée.

Bail d’habitation
Lorsque le congé est donné par le preneur pour une date déterminée, le bail est résilié à cette date si elle est postérieure à l’expiration du délai légal de préavis (Cass. Civ. 3, 28 novembre 2019, n°18-18193).
Par lettre du 10 novembre 2016, le locataire d’un logement a donné congé pour le 12 février 2017. Les clés ont été restituées le 10 février 2017. Le bailleur ayant restitué le dépôt de garantie après avoir déduit une somme correspondant au loyer du 10 au 12 février 2017, le locataire l’a assigné aux fins de restitution de ladite somme.
Même si le délai de préavis légal est de trois mois, le congé n’a pas ici pris effet trois mois après sa notification, car le congé mentionnait la date pour laquelle il était donné. La Cour de cassation a en effet  jugé que le congé ayant été délivré pour le 12 février 2017, le bail avait pris fin à cette date.
Les loyers sont donc dus jusqu’à cette date, même si la remise des clés est intervenue antérieurement.

Copropriété
Un copropriétaire ayant participé à une assemblée générale ne peut se prévaloir du non-respect du délai de convocation pour obtenir l’annulation de l’intégralité de l’assemblée générale, mais seulement l’annulation des résolutions auxquelles il s’est opposé (Cass. Civ. 3, 28 mars 2019, n°18-10073).

Un copropriétaire participant à une assemblée générale des copropriétaires n’a voté en faveur que de quelques résolutions et s’est opposé à d’autres qui ont finalement été adoptées. Il saisit alors le juge pour obtenir l’annulation de l’intégralité de l’assemblée générale au motif que le délai de convocation de 21 jours n’a pas été respecté, ce qui était effectivement le cas en l’espèce.
La Cour d’appel de Chambéry lui donne raison, mais la Cour de cassation n’est pas du même avis.
Celle-ci rappelle en effet que le copropriétaire ne peut contester une décision d’assemblée générale que s’il s’est opposé à son adoption (ou était absent). Il ne peut donc poursuivre la nullité des résolutions qu’il a approuvées. Dans la mesure où il ne s’est pas opposé à toutes les résolutions, il ne peut obtenir l’annulation de l’assemblée dans son intégralité. La Cour précise donc clairement que le copropriétaire qui a voté en faveur d’une décision n’est pas admis à contester l’assemblée générale dans son ensemble.
Cette solution limite en pratique les recours et les risques d’annulation de l’assemblée générale en purgeant toute possibilité d’action de copropriétaire contre une résolution adopté par celui-ci ou pour laquelle il se serait abstenu.

Vente immobilière
Le diagnostic de performance énergétique n’a qu’une valeur informative et le diagnostiqueur, auteur d’un diagnostic erroné, est tenu indemniser l’acquéreur de la perte d’une chance de négocier une réduction du prix de vente (Cass. Civ. 3, 21 novembre 2019, n°18-23.251).

A la suite de l’acquisition d’un bien immobilier, le nouveau propriétaire s’aperçoit que le diagnostic de performance énergétique communiqué par son vendeur est erroné. Il assigne alors le vendeur et le diagnostiqueur en résolution de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés et en indemnisation des préjudices subis.
Il demande ainsi que le diagnostiqueur soit condamné à l’indemniser du coût des travaux nécessaires pour réaliser une isolation thermique conforme à la performance énergétique annoncée dans le diagnostic.
La Cour de cassation rejette ses demandes, rappelant que le diagnostic de performance énergétique n’a qu’une valeur informative. Elle retient que le diagnostiqueur a commis une faute dans l’accomplissement de sa mission à l’origine d’une mauvaise appréciation de la qualité énergétique du bien, et que le préjudice subi par l’acquéreur du fait de cette information erronée ne consiste pas dans le coût de l’isolation, mais en une perte de chance de négocier une réduction du prix de vente.
Notons que s’agissant d’un diagnostic amiante ou d’un état parasitaire erroné, la Cour de cassation a jugé que la faute du diagnostiqueur cause à l’acquéreur un préjudice correspondant au coût des travaux nécessaire pour remédier au vice non révélé par le diagnostic.